La critique [evene]

Mathieu Laviolette-Slanka

Cinq danseurs, deux hommes et trois femmes, investissent le plateau nu et blanc pour le transformer en champ de bataille plastique. Cinq caractères progressivement amenés et définis sous nos yeux tout au long du spectacle pour manifester jusqu’à l’orgasme, jusqu’au sacrifice également, le danger d’un comportement calqué sur l’autre – qu’il soit groupe (la société) ou individuel (l’ami, l’amant).
La pulsion animale, voilà le moteur de ‘Singular Sensation’, spectacle engagé qui tient tout autant de la performance que du travail de la matière. Ca gicle, ça tache les murs, les corps se tordent et se chevauchent, copulations simulées pour échapper à une solitude qui plane comme une menace fatale. Un faux héros aux atours de Superman devient la marionnette de ses fans et finit loqueteux, figure tutélaire ramenée au rang de poussière en quelques portés. Gestes répétés jusqu’à la nausée, rires frénétiques et cris jappés forment une atmosphère de plus en plus oppressante, englobée dans une bande-son pour le moins expérimentale. Les danseurs mutilés glissent, s’éloignent et se retrouvent : difficulté de se construire en tant qu’être autonome, difficulté de penser, de vivre seul.
On pourrait croire que tout ce mouvement purge le spectacle de sa substance. Bien malin d’ailleurs celui qui pourra mettre des mots sur la sensation très particulière qui vous envahit au fur et à mesure, décuplant l’horreur de certains gestes comme le ridicule de certaines situations. Les scènes se mêlent en tout gélatineux, agressif, dont on ressort éclaboussé et l’esprit sonné. A défaut d’avoir pensé, on est ému. A chacun d’y mettre ses propres mots.